Depuis quelques dizaines d’années, on assiste à une multiplication des services pour les victimes d’actes criminels, sorte de compassion organisée devant une souffrance souvent terrible à voir, et encore pire à vivre.
Cependant, comme les fondements de ces services étaient plus instinctifs que scientifiques, on a peu d’information sur la façon dont les victimes apprivoisent ce système conçu pour les aider. C’est pourquoi des chercheurs de l’Algonquin College d’Ottawa se penchent actuellement sur la manière dont les victimes de violence surmontent les obstacles dans la foulée d’un crime, notamment en se demandant si le fait d’apprivoiser le système et leur propre traumatisme les aide à développer leur résilience.
« On se concentre tellement sur les blessures et la vulnérabilité qu’à force d’en parler, on peut finir par renforcer les aspects négatifs », affirme Benjamin Roebuck, coordonnateur du programme de deuxième cycle en victimologie de l’Algonquin College. M. Roebuck est chercheur principal d’un projet subventionné par le Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges du Conseil de recherches en sciences humaines.
Roebuck croit fermement qu’il est nécessaire de se concentrer sur les forces. « Quand on veut aider les gens à rebâtir leur vie, on a tout avantage à leur présenter des exemples de profonde résilience. On a beaucoup à apprendre de ces expériences. »
Tout en étant conscient qu’on doit éviter de forcer les gens qui ont subi un traumatisme à voir le bon côté des choses, M. Roebuck constate que certaines personnes sont très heureuses de parler des moyens qu’elles emploient pour s’en sortir et pour gérer « l’après ».
« On ne va pas aborder les parents d’un enfant assassiné en leur posant des questions à connotations positives, explique-t-il. Néanmoins, nous avons tellement d’exemples de gens qui nous parlent de forces qu’on doit se rendre à l’évidence : les histoires de survivants qui réussissent à se remettre sur pied sont source d’espoir. »
Selon M. Roebuck, le fait de savoir intervenir au bon moment, de savoir quoi ne pas dire et de comprendre que chez beaucoup de gens, le traumatisme et la force coexistent sont autant d’ingrédients cruciaux pour stimuler la résilience. En comprenant mieux les facteurs de croissance (les moments où les gens ressentent de la résilience, les facteurs qui l’entravent ou la développent), l’équipe de recherche pourra enrichir le contenu des cours du programme d’aide aux victimes du collège.
Structuré en plusieurs phases, ce projet fait appel aux victimes et aux fournisseurs de services, par exemple en leur demandant, au moyen d’entrevues et de questionnaires, quels services ont été les plus utiles, ou encore quels sont les inconnues qui demeurent au sujet de la résilience et de son développement. Aux questionnaires largement diffusés succéderont des entrevues individuelles visant à analyser les expériences de force et de résilience.
Parmi les partenaires de cette recherche, on doit mentionner le Victim Justice Network, qui met en lien les victimes d’actes criminels, les fournisseurs de services aux victimes et les organismes de défense des droits des victimes partout au pays. Il s’agit d’un des groupes qui militent pour l’amélioration des services offerts aux victimes. En effet, on a souvent recommandé d’améliorer la formation sur les vulnérabilités et les sensibilités particulières des victimes pour les personnes qui sont appelées à travailler avec eux, comme les fournisseurs de services et les avocats.