Au cours des dernières années, le Canada a accueilli des milliers de demandeurs d’asile, dont bon nombre ont survécu à la guerre et à la torture. Ils sont venus dans l’espoir d’une vie nouvelle, mais l’ombre de leur ancienne vie pourrait les priver de leur meilleure chance d’y accéder : l’éducation.
Les réfugiés et les demandeurs d’asile souffrent quotidiennement des séquelles laissées par la guerre et la violence qu’ils ont vécues. La guerre aura interrompu leurs études, ou alors ils n’auront pas suivi de cours depuis l’école de fortune du camp de réfugiés. Dans certains cas, les survivants conservent des séquelles qui diminuent leur capacité à étudier, comme des troubles de mémoire et de concentration, de l’anxiété, de l’insomnie et des douleurs chroniques.
Néanmoins, l’éducation demeure leur meilleure chance de réussir dans leur pays d’accueil.
Jaswant Kaur Bajwa, professeure et coordonnatrice de la recherche au Centre for Preparatory and Liberal Studies du George Brown College, dirige un projet visant à ouvrir les portes de l’éducation postsecondaire aux victimes de la torture et de la violence. Ce projet est financé par une subvention du Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges, qui relève du Conseil de recherches en sciences humaines.
Lorsque la situation est devenue particulièrement chaotique en Syrie, raconte Mme Bajwa, le personnel du George Brown College s’est demandé ce que le collège pourrait faire pour les réfugiés. Selon les recherches, les réfugiés sont moins enclins à poursuivre des études postsecondaires que les autres nouveaux Canadiens, ils sont plus susceptibles d’être sans emploi ou sous-employés et sont généralement moins bien rémunérés.
« Nous nous demandions : “Qu’arrivera-t-il à ces gens à leur arrivée à l’école? Devons-nous faire les choses différemment? Le système doit-il faire certaines choses différemment?” », confie Mme Bajwa en entrevue. « L’éducation a une influence déterminante sur leur intégration dans la société. »
Les jeunes réfugiés ne sont pas les seuls à avoir besoin de l’éducation. En effet, bien des réfugiés instruits ont laissé derrière eux leur carrière et doivent obtenir des titres de compétences canadiens pour pouvoir recommencer à travailler.
Le George Brown College s’est associé au Canadian Centre for Victims of Torture et au Centre for Addiction and Mental Health pour ce projet. Le programme de deux ans se déroulera en trois étapes. Les chercheurs mèneront d’abord des entrevues et des groupes de discussion avec les réfugiés afin de connaître leurs attentes par rapport à l’éducation et les obstacles auxquels ils sont confrontés.
L’étape suivante consistera à utiliser l’information recueillie dans les entrevues pour modifier le programme de transition vers les études postsecondaires du George Brown College en fonction des besoins des réfugiés. Ce programme de transition aide les personnes souffrant de maladie mentale à accéder de nouveau à l’enseignement supérieur. Il leur enseigne à se débrouiller au quotidien et leur offre une remise à niveau, une formation sur la carrière et des cours d’anglais. Le contenu de ce programme sera donc adapté aux besoins des réfugiés.
La dernière étape consistera à offrir ce nouveau programme en deux sessions de quatre mois, ou sous forme de courts ateliers et séminaires, selon les sujets. Lors du suivi, les chercheurs recueilleront les commentaires des participants et des enseignants et procéderont à des évaluations.
En plus du bénéfice tangible de l’éducation, Mme Bajwa voudrait que ce programme donne de l’espoir aux réfugiés. « Il est bon pour leur mieux-être qu’ils se concentrent sur le moment présent et sur leur avenir », affirme-t-elle. « Les études montrent que les réfugiés réussissent mieux quand ils regardent en avant, plutôt qu’en arrière. »