À première vue, les étudiants collégiaux et les sans-abri qui errent dans les rues des grandes villes ne vivent pas dans le même monde. Pourtant, nombre d’entre eux ont un trait en commun : ils souffrent de solitude. Des chercheurs d’Edmonton tentent de remédier à la situation.
Une équipe de recherche du Norquest College s’est associée à la Edmonton Public Library pour étudier les effets de la solitude sur les personnes marginalisées. Ce projet est financé par le Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges, qui relève du Conseil de recherches en sciences humaines.
Tout a commencé quand Bob Marvin, enseignant en travail social au Norquest College, a demandé aux étudiants d’un de ses cours de faire passer un questionnaire sur la solitude à d’autres étudiants. « C’était seulement pour initier les étudiants à la recherche, une tentative de démystifier la chose », explique-t-il en entrevue.
Or, le sondage a fait éclater au grand jour la solitude existant sur le campus, et beaucoup d’étudiants ont été surpris de découvrir qu’ils n’étaient pas seuls dans leur situation. En analysant les données du sondage, Marlene Mulder, membre du département de la recherche du collège, a fait une découverte surprenante. Les étudiants de deuxième année éprouvaient davantage de solitude que les étudiants de première année; 60 % disaient s’ennuyer de leur famille, ce qui est très élevé pour des étudiants collégiaux.
Mme Mulder était au fait que Norquest, seul collège public d’Edmonton, comptait une population étudiante inhabituelle. En effet, en raison de son programme d’anglais langue seconde, il accueille un pourcentage important de nouveaux arrivants au Canada. De plus, on y trouve un fort contingent d’étudiants autochtones, et un grand nombre d’étudiants qui ont vécu des moments difficiles et se sont inscrits au collège dans l’espoir d’un nouveau départ. « Par le passé, j’ai travaillé aussi bien auprès des nouveaux arrivants que des sans-abri. Les deux groupes mentionnent systématiquement la solitude. C’est un thème récurrent chez ces deux populations », dit-elle.
Mme Mulder se demandait quelle influence la solitude a sur les gens qui vivent en marge de la société, qu’ils soient Autochtones, sans-abris ou nouveaux arrivants. Quel est son effet sur leur « capital social », c’est-à-dire « les interactions sociales, la bonne volonté, la camaraderie et la sympathie qui ont une influence tangible sur nos vies. » Autrement dit, comme le résume Mme Mulder, les facteurs qui nous aident à avancer.
Ces réflexions l’ont menée à la Edmonton Public Library, qui emploie depuis plus de cinq ans des travailleurs sociaux afin d’aider les personnes marginales qui fréquentent la bibliothèque en quête d’un espace public sécuritaire. Les travailleurs sociaux ont établi une relation de confiance avec ces personnes isolées et les aident, dans la mesure du possible, à régler leurs problèmes de santé, de logement ou autre.
Partenaire du projet, la bibliothèque est le lien entre ses usagers et les chercheurs, auxquels elle donne l’occasion d’explorer les causes de la marginalisation, d’évaluer l’efficacité des mesures de soutien, de déterminer les besoins qui demeurent et peut-être de faciliter l’accès l’éducation pour certains participants.
Pour étoffer la recherche, les chercheurs ont obtenu l’apport de plus de 40 organismes communautaires. De plus, ils interrogeront des étudiants de Norquest qui sont sortis de la marge au sujet des facteurs qui leur ont permis de se construire une vie meilleure. Enfin, ils rencontreront des usagers de la bibliothèque dans le cadre de groupes de discussion.