Les terres agricoles constituent une ressource naturelle irremplaçable, et nous les négligeons, selon Kent Mullinix, directeur de l’Institute for Sustainable Food Systems à la Kwantlen Polytechnic University.
« Les pays, les provinces et les municipalités élaborent constamment des politiques, des lois et des règlements pour promouvoir leur vision et leurs aspirations, mais d’une certaine manière il semble avoir été décidé qu’un système alimentaire durable, lui, n’en valait pas la peine », explique Kent Mullinix au téléphone.
Mullinix est le chercheur principal du projet Fostering Regional Food Systems, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines au moyen du Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges.
Son équipe étudie l’importance, les possibilités et les défis liés à la mise en œuvre de systèmes alimentaires régionaux durables, qu’il définit ainsi : « Tous les éléments qui contribuent collectivement à la production, la distribution, l’achat et la consommation d’aliments, et au traitement des déchets connexes. » Les systèmes alimentaires régionaux renforcent les économies locales au lieu d’exporter les revenus et les emplois.
Le chercheur affirme que de bonnes raisons militent pour le retrait de notre système alimentaire mondialisé : le changement climatique, le coût du transport et d’autres facteurs le rendent inabordable et insoutenable; de plus, les pratiques agricoles étrangères sont parfois risquées.
Le problème prend source dans le fait que les planificateurs ont négligé les systèmes alimentaires malgré leur rôle essentiel dans notre survie. Le développement immobilier exerce une force pression sur les terres agricoles, le cas par excellence étant à Richmond, en Colombie-Britannique, lieu de travail de Kent Mullinix et voisin du marché immobilier le plus effervescent du pays. Quoique cette province dispose d’une Agricultural Land Reserve pour l’agriculture, elle ne suffit pas à appuyer les systèmes alimentaires régionaux, soutient monsieur Mullinix.
Les terres « préservées » ne sont pas réservées à l’agriculture, en fait. La politique n’empêche en rien la spéculation, d’où des prix inaccessibles pour les personnes voulant justement exploiter une ferme. Kent Mullinix rappelle que la location de terres aux fermiers par de riches propriétaires relève du féodalisme… un modèle probablement peu souhaitable pour le Canada.
Selon des recherches antérieures de l’Institute for Sustainable Food Systems, environ un tiers des terres non cultivées en réserve agricole pourraient être exploitées et, fortes de petites fermes privées axées sur l’agriculture locale intensive, pourraient créer 1 200 emplois, fournir à Surrey six mois par année 27 des cultures et produits animaliers dont elle a besoin et générer 77 millions de dollars en revenus nets.
L’équipe de recherche évaluera la valeur des terres et les tendances relatives à la propriété depuis 1977 pour déterminer dans quelle mesure les systèmes alimentaires régionaux peuvent soutenir leurs localités, créer des emplois et favoriser la gestion durable de l’environnement. Elle lancera aussi le premier carrefour web de recherche et d’information libre-accès au monde sur les systèmes alimentaires régionaux.
« Je suis un scientifique agricole », explique Kent Mullinix. « J’ai été témoin de l’industrialisation de l’agriculture et de ses impacts sur les agriculteurs, les aliments, l’économie, les communautés et l’environnement. J’en ai été témoin et je sais que nous pouvons concevoir de meilleurs systèmes alimentaires. »