Quel enfant n’a jamais rêvé d’entendre ses parents dire : « Joue à tes jeux vidéo, c’est bon pour toi! » Pour certains jeunes, ce rêve est devenu réalité.
Ce qui est peut-être plus étonnant, c’est la raison pour laquelle ces jeux vidéo sont appréciés des parents : ils sont conçus pour encourager les enfants atteints de paralysie cérébrale à faire leurs exercices de physiothérapie.
« Nous essayons de rendre l’huile de foie de morue plus attrayante », lance Denis Nikitenko à la blague. En fait, si ses partenaires et lui développent des jeux, c’est d’abord et avant tout pour améliorer la qualité de vie des enfants atteints de paralysie cérébrale en leur permettant de jouer avec des amis. « Nous visons aussi bien les bénéfices sociaux que physiques », explique M. Nikitenko. « Ils [les enfants] n’interagissent pas tellement avec les jeunes de leur âge, ils ne voient pas beaucoup d’amis. » (Selon un sondage, 53 % des enfants ayant un handicap n’ont aucun ami proche).
Ce projet est financé par le Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges du Conseil de recherches en sciences humaines. Il s’agit d’un partenariat entre le Sheridan College, où M. Nikitenko est professeur et coordonnateur du programme d’informatique mobile, et le Possibility Engineering and Research Lab du Holland Bloorview Kids Rehabilitation Centre, qui s’adresse aux enfants ayant un handicap.
Les partenaires ont commencé à travailler ensemble en 2014, lorsqu’un étudiant a décidé de créer un jeu pour Holland Bloorview en guise de projet de fin de programme. L’idée d’utiliser les jeux vidéo pour aider les enfants atteints d’un handicap n’est pas nouvelle, mais les jeux conçus pour un large public sont souvent mal adaptés. Quant à ceux conçus par des thérapeutes, ils ont souvent des faiblesses du point de vue de la conception et des fonctions du jeu qui rendent les jeux vidéo si attirants et captivants. « Si ce n’est pas amusant, ils n’y joueront pas », note M. Nikitenko.
Les partenaires développent des jeux pour la Kinect de Microsoft, un appareil muni de capteurs de mouvements qui permet aux joueurs de contrôler le déroulement du jeu par leurs gestes. Chaque jeu devra être personnalisé en fonction des capacités physiques et mentales de l’enfant qui l’utilisera, puis calibré en fonction de l’amplitude de ses mouvements et de ses besoins thérapeutiques. « Les participants seront stimulés à la limite de leurs capacités et seront même appelés à la dépasser légèrement », souligne M. Nikitenko.
Le projet évoluera à travers plusieurs étapes, en commençant par l’évaluation des besoins, qui sera suivie du test de versions simplifiées à un joueur auprès d’enfants à l’hôpital, pour enfin aboutir à des versions multijoueurs. En raison des règles de confidentialité très strictes entourant le contact avec les patients du centre Holland Bloorview, les concepteurs devront se fier aux commentaires relayés par le personnel de l’hôpital. Pour ces mêmes raisons, les jeux seront strictement hors ligne pour l’instant. Évidemment, la question traditionnelle de l’approbation parentale demeure; les concepteurs ne créeront donc pas de jeux avec des dragons qui mettent le feu à leurs adversaires ou quoi que ce soit d’autre d’effrayant ou de violent. Certains récompenseront la coopération, d’autres proposeront des habiletés magiques, comme changer le personnage d’un adversaire en quelque chose de rigolo.
Fait à noter, les enfants ne seront pas le seul sujet d’étude. En effet, à deux moments prédéterminés, les étudiants travaillant au projet seront évalués pour découvrir comment le fait de concevoir des jeux pour des utilisateurs ayant des besoins spéciaux influence leur compréhension de la réalité de ces personnes.