Une discussion informelle avec des étudiantes a révélé que plusieurs d’entre elles prenaient des anxiolytiques. Un cours sur les techniques de direction d’une thérapie de groupe a conduit à de multiples révélations de haine de soi. Pour l’enseignante au collégial Stephanie Ruckstuhl, ces messages étaient trop forts pour être ignorés.
« Si cela se produit une fois, c’est un hasard extraordinaire, puis cela se reproduit une deuxième fois et je me demande “Que faisons-nous à nos filles?” » s’interroge Mme Ruckstuhl, enseignante du programme de soins infirmiers auxiliaires du New Brunswick Community College à St. Andrew’s by the Sea. Elle a gardé ces conversations à l’esprit, et l’idée d’intervenir auprès des jeunes filles pour les aider à développer des compétences sociales positives grâce à des modèles et au mentorat a pris tout son sens.
Avec les chercheurs Carla Dwyer du New Brunswick Community College et Chris Gilham de St. Francis Xavier University, Mme Ruckstuhl a obtenu une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines dans le cadre du Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges.
« J’ai commencé à faire des recherches sur l’estime de soi et l’image de soi », explique Mme Ruckstuhl. « La recherche montre que lorsqu’elles sont en âge de fréquenter une classe de 7e année, 50 % des filles ont une bonne estime de soi. En 10e année, c’est le cas de seulement 20 % d’entre elles. » C’est aussi à ces âges que l’intimidation devient un facteur. Selon une étude sur le bien-être des élèves effectuée au Nouveau-Brunswick en 2013, l’intimidation est un problème beaucoup plus important chez les filles que chez les garçons. Dans cette étude, 42 % des filles ont déclaré que d’autres élèves répandaient des rumeurs à leur sujet, comparativement à 26 % des garçons, et 46 % des filles ont dit qu’elles avaient été traitées de tous les noms ou qu’on s’était moqué d’elles méchamment, comparativement à 37 % des garçons.
C’est le résultat de ce que Mme Ruckstuhl considère comme un souhait des filles au début de l’adolescence « se débarrasser de leur image de bonne fille gentille », un élément qui est au cœur de la recherche. Elle et ses collègues veulent savoir si le modèle « prosocial » et le mentorat modifient les attitudes des adolescentes, et si oui, comment les éducateurs et les professionnels de la santé pourraient intégrer ces éléments à leur pratique, et si le modèle pourrait être utilisé ailleurs. Le comportement prosocial renvoie aux caractéristiques qui aident les personnes à s’intégrer à la communauté, notamment la pensée critique, les compétences en communication et la capacité de bâtir des relations et de manifester de l’empathie.
Le projet de recherche commencera par des tests pour déterminer les interventions les plus efficaces pour renforcer les compétences prosociales et augmenter l’estime de soi. Il s’agira aussi d’évaluer si le mentorat des étudiants en soins infirmiers auprès des filles améliore leurs compétences sociales et leur estime de soi. Les filles de 7e année dans six écoles seront soumises à un test de référence qui détermine leur degré d’estime de soi. À la fin du projet, quand elles seront en 10e année, elles repasseront le test.
Les données probantes suggèrent que les initiatives dirigées par les jeunes fonctionnent bien en santé mentale. En conséquence, le projet permettra de créer des équipes composées d’étudiants de deuxième année en soins infirmiers auxiliaires qui ont suivi un cours sur la santé mentale. Les étudiants visiteront les six écoles participant au projet pendant huit semaines et participeront à des ateliers où ils discuteront des stratégies permettant de bâtir une estime de soi et d’acquérir des compétences sociales.