(Publié à l’origine dans le magazine Education for Employment, juin 2022).
Par Denise Amyot, présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada
Les douze derniers mois ont présenté des défis exceptionnels pour un grand nombre de personnes et de communautés autochtones au Canada. Ce fût une année marquée par le traumatisme, la réouverture de blessures profondes et une confrontation avec la vérité de plus de 100 ans d’histoire canadienne.
Au mois de juin, la découverte des restes non identifiés de 215 enfants autochtones sur les lieux d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops en Colombie-Britannique a confirmé ce que nombre des personnes autochtones répétaient depuis plusieurs années : que la vraie histoire des pensionnats autochtones est bien plus sombre que ce dont on écrit dans des livres historiques. Depuis, de plus en plus de communautés autochtones – souvent avec de l’aide des équipes techniques d’un collège ou d’un institut local – ont mené leurs propres recherches sur les anciens sites des pensionnats autochtones avec des résultats similaires.
Ce traumatisme étant intergénérationnel et continu, il nous reste beaucoup de travailler à faire. Mais nous pouvons être certains que l’éducation aura un rôle important à jouer dans le processus de guérison.
L’éducation est essentielle à la réconciliation durable avec les communautés autochtones. Sept des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation touchent directement l’éducation, notamment l’élimination des lacunes en matière d’éducation et d’emploi entre les personnes autochtones et non autochtones au Canada, l’augmentation du financement disponible et l’élaboration de programmes culturellement appropriés et pertinents.
Mais l’éducation ne s’agit pas seulement d’améliorer l’intégration sur le marché du travail, elle est également profondément connectée à la préservation culturelle. En fait, sept des membres de CICan sont désignés comme établissements autochtones, ce qui veut dire qu’ils offrent exclusivement des programmes culturellement pertinents adaptés aux besoins des apprenants et des communautés autochtones comme moyen de conserver et de renforcer les cultures autochtones.
Par exemple, Kenjgewin Teg signifie « un lieu de savoir » dans la langue ojibwée et l’institut en Ontario qui porte ce nom intègre les savoirs autochtones à tous ses programmes éducatifs et à tos ses partenariats avec la communauté. Chaque apprenant et apprenante travaille avec le personnel pour élaborer un plan d’apprentissage unique et pour identifier ses objectifs. Le programme couvre les stratégies pour vivre de la terre, utilise les jeux autochtones comme outils d’enseignement et offre du soutien aux étudiants et étudiantes pour élargir leurs perspectives culturelles et leurs modes de savoir.
En Colombie-Britannique, le Nicola Valley Institute of Technology, ancré dans la culture, les traditions et les savoirs autochtones, inspire ses apprenants à renforcer leurs communautés. Le Conseil des aînés unique du NVIT oriente l’établissement, ainsi que son personnel administratif et enseignant, tout en soutenant le bien-être spirituel, mental et émotionnel des étudiants et étudiantes pendant leurs études supérieures.
Au Saskatchewan Indian Institute of Technologies, plus de 90 % des étudiants et étudiantes, et 70 % du personnel sont autochtones. L’institut est à l’écoute des besoins des apprenants et apprenants et a récemment lancé un projet de renouvellement des programmes pour soutenir l’innovation, pour s’assurer que ses programmes reflètent les besoins actuels du marché du travail et pour préparer les diplômés au succès.
De façon plus générale, plus de 95 % de la population canadienne et plus de 86 % des personnes autochtones vivent dans un rayon de 50 km d’un collège ou d’un institut ; les collèges et les instituts à travers le pays offrent plus de 300 programmes menant à un titre qui sont adaptés aux besoins des apprenants autochtones et de leurs communautés. Ces établissements constituent aussi le principal point d’accès aux études postsecondaires pour les apprenants des Premières Nations, inuits et métis, et s’engagent à faire avancer la réconciliation et à habiliter les communautés. Même les établissements non autochtones ont à cœur cet engagement.
Cette année, CICan fête également ses 50 ans en tant qu’association nationale. Ce faisant, nous lançons un regard sur notre histoire sur cinq décennies. L’éducation autochtone a fait partie de nos priorités pendant de nombreuses années.
Par exemple, saviez-vous qu’en 1993, CICan (anciennement l’Association des collèges communautaires du Canada) a soumis son premier exposé de position à la Commission royale sur les peuples autochtones ? Et en 2006, nous avons organisé notre premier Colloque sur l’éducation autochtone. Des aînés, des chefs, des membres des conseils, des partenaires industriels et des représentants du gouvernement s’y sont réunis pour discuter des besoins particuliers des apprenantes et apprenants autochtones. À date, nous avons tenu un total de 11 colloques sur ce sujet !
Depuis 2014, nous utilisons notre Protocole sur l’éducation des Autochtones comme cadre afin d’améliorer les résultats scolaires des apprenants et apprenantes autochtones ainsi que d’aider les établissements à mieux soutenir les étudiants et étudiantes autochtones. Il s’agit non seulement des programmes d’apprentissage, mais aussi des structures de gouvernance, de la compréhension mutuelle, et de la responsabilisation. À ce jour, 67 établissements ont signé le Protocole.
S’il est bien une chose que nous ayons apprise ces derniers temps, c’est que l’avenir est imprévisible. Nous savons néanmoins qu’un avenir durable n’est possible uniquement si tous les apprenants et apprenantes aient accès à l’éducation de qualité. L’éducation est aussi importante pour trouver de bons emplois et pour stimuler l’économie canadienne qu’elle est pour préserver les cultures autochtones. Cela veut dire que l’éducation autochtone est essentielle pour faire du Canada un pays à toute épreuve.