Dans le prolongement de notre lettre ouverte du mois dernier, les collèges et instituts publics partout au Canada ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’impact néfaste des récentes réformes de la politique d’immigration fédérale sur leurs collectivités locales. Celles-ci incluent le plafonnement du nombre d’étudiants internationaux et les changements apportés au programme de permis de travail postdiplôme (PTPD).
Les responsables des collèges affirment que l’approche passe-partout d’Ottawa ne tient pas compte des réalités des besoins du marché du travail régional. Ils et elles ont également exprimé leur inquiétude quant au ton, à la rhétorique et à la rapidité de mise en œuvre de ces changements tout en évoquant certaines conséquences économiques et sociales importantes et lourdes de conséquences. Notons parmi celles-ci :
- Le préjudice causé à la population du Canada et à ses collectivités : Restreindre l’accès aux talents qualifiés, négliger les différences régionales et les pressions démographiques, et ne pas investir dans les collèges et instituts publics mine la capacité du Canada à répondre aux besoins du marché du travail local, à combler les lacunes en matière de main-d’œuvre et à stimuler l’innovation dans les secteurs de croissance cruciaux.
- L’atteinte à la réputation mondiale du Canada : Le déploiement rapide et confus de ces réformes a engendré de l’incertitude. Il a également terni l’image du Canada en tant que destination stable et accueillante pour les étudiants internationaux, ce qui a affaibli sa position sur le marché mondial de l’éducation et des talents.
- Les menaces qui pèsent sur l’avenir des programmes destinés aux étudiantes et étudiants canadiens : Les changements politiques en cours compromettent la capacité à préserver et à offrir certains programmes aux étudiantes et étudiants canadiens, en particulier celles et ceux des collectivités rurales, éloignées et autochtones.
- L’impact sur la réputation des collèges : La rhétorique autour de ces réformes a parfois injustement fait peser exclusivement sur les collèges et instituts la responsabilité de défis politiques nationaux anciens et de plus vaste portée, tels que les pénuries dans les domaines du logement et des soins de santé. Tout cela nuit au rôle essentiel rempli par les collèges et instituts à titre de fournisseurs de solutions pour la main-d’œuvre et ce, en réponse à ces mêmes défis et besoins urgents du marché du travail dans leurs régions.
Impacts régionaux
Ce qui suit est un aperçu de ce que nos membres disent sur l’impact de ces réformes pour les collectivités partout au Canada :
- Île-du-Prince-Édouard : Le président du Holland College estime que le plafonnement du nombre d’étudiants internationaux fait du tort à la réputation du Canada.
- Nouveau-Brunswick : Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick et le New Brunswick Community College préviennent que les réformes auront un impact direct sur les entreprises et les collectivités du Nouveau-Brunswick.
- Québec : La Fédération des Cégeps estime que les réformes sont floues, manquent de précision et ressemblent à de l’improvisation.
- Ontario : Le Georgian College souligne la façon dont ces changements menacent la capacité des employeurs à combler des pénuries de main-d’œuvre critiques. Le président de la Seneca Polytechnic met quant à lui en évidence la pression financière aggravée par le gel des droits de scolarité pendant six ans, la réduction du nombre de visas pour les étudiants internationaux et les pressions inflationnistes. Collèges Ontario ajoute que l’annonce très préoccupante du gouvernement sur les restrictions supplémentaires imposées aux étudiants internationaux témoigne d’un penchant évident pour les universités.
- Manitoba : Le président de l’Assiniboine College critique le manque de nuances régionales dans les changements apportés à la politique, lesquels ne tiennent pas compte des défis et des perspectives spécifiques au niveau local.
- Saskatchewan : Selon la vice-présidente responsable des programmes et des étudiants au Great Plains College, cette approche uniforme ne tient pas compte des différences entre les régions ou les provinces du pays.
- Colombie-Britannique : Le président de BC Colleges affirme que ce n’est pas le moment de décourager les étudiantes et étudiants de choisir les collèges publics.
Répercussions financières
En outre, les répercussions financières de ces changements sont importantes, plusieurs établissements ayant fait état de graves déficits budgétaires et ayant annoncé des mesures pour y faire face :
- Le Selkirk College envisage de procéder à des compressions en raison du nouveau plafonnement imposé sur le nombre d’étudiants internationaux.
- Le Fanshawe College fait état de lourdes conséquences budgétaires liées à la limitation des inscriptions.
- Le Mohawk College prévoit un déficit de 50 millions de dollars et anticipe des licenciements en raison des restrictions en matière de visas.
- L’Algonquin College prévoit un manque à gagner de 32 millions de dollars en raison des nouvelles règles applicables aux étudiants internationaux.
- Le Camosun College annonce des licenciements en raison de la perte des revenus tirés des droits de scolarité.
Échos de la collectivité
Les responsables des collèges ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Les collectivités commencent elles aussi à s’exprimer :
- La Chambre de commerce du Canada critique les réductions des objectifs en matière d’immigration, soulignant le rôle vital de l’immigration pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre et stimuler la croissance économique.
- La mairesse de Fort St. John et le maire de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, condamnent les changements fédéraux qui plafonnent le nombre d’étudiants internationaux de niveau postsecondaire acceptés dans le pays.
- Le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec et la directrice générale de l’Éducation internationale avertissent que les réformes du PTPD priveront le Québec d’une main-d’œuvre qualifiée indispensable dans des secteurs clés.
- Restaurants Canada est déçu par l’absence de consultation sur les récents changements apportés au programme des travailleurs étrangers temporaires.
Un secteur unifié
Si une chose est bien certaine, c’est que notre secteur est uni. Les établissements publics que nous sommes prennent très au sérieux la stabilité, l’efficacité et l’intégrité du programme des étudiants internationaux. Nos membres en dépendent pour pouvoir offrir les formations et les compétences nécessaires aux collectivités locales pour prospérer, au vu des réalités démographiques et du marché de l’emploi. Bien que nous soyons favorables et continuions à collaborer aux initiatives visant à gérer la croissance du programme de manière responsable, la rhétorique néfaste et les politiques imprévisibles ne doivent pas déstabiliser les établissements d’enseignement postsecondaire ou nuire aux collectivités qu’ils desservent. Nous avons besoin de solutions réfléchies, délibérées et prévisibles, combinées à un investissement accru dans nos établissements publics. Sans cela, le système postsecondaire de renommée mondiale du Canada est en péril. De plus, les défis auxquels sont confrontées notre économie et nos collectivités ne feront que s’accroître.
Passer à l’action
Passez à l’action en mobilisant vos partenaires de l’industrie et de la collectivité pour qu’ils se rallient à notre message. Utilisez les gabarits de lettres suivants pour interpeller vos représentants provinciaux et fédéraux et nous aider à nous faire entendre plus largement :
- Engager des entreprises locales ou des partenaires industriels : Une lettre de votre établissement pour encourager la collaboration et le soutien.
- Plaidoyer au niveau fédéral : Une lettre permettant aux entreprises de s’adresser directement au ministre de l’IRCC, Marc Miller.
Publications connexes
Pour en savoir plus sur ces réformes de la politique et sur notre position, vous pouvez consulter nos précédentes publications :
- Une lettre ouverte à notre secteur (17 octobre)
- Un message à l’intention de la population canadienne de la part des collèges et instituts publics du Canada (2 octobre)
- Déclaration de CICan au sujet des réformes touchant les étudiantes et étudiants étrangers (18 septembre)
- Le plafonnement du nombre d’étudiants internationaux prouve son efficacité et les collèges tentent de faire face à ses répercussions (22 août)
- Sustainable investment in the public post-secondary sector is the national conversation we should be having, not unsustainable growth in international students (Publié dans le Toronto Star — en anglais seulement, 31 janvier)
- Lettre ouverte au ministre Miller : Préoccupations concernant l’annonce au sujet du Programme des étudiants étrangers (30 janvier)
- Déclaration de CICan en réponse à l’annonce fédérale portant sur la diminution du nombre de nouveaux permis pour les étudiants internationaux en 2024 (22 janvier)
- Actualisation de la déclaration de CICan sur les propos tenus par des fonctionnaires fédéraux au sujet d’une limitation potentielle des inscriptions d’étudiants internationaux (17 janvier)