Les partenariats internationaux au fil des ans
Dès le milieu des années 1970, notre Comité consultatif sur les programmes canadiens affirmait que «les collèges canadiens, dans un esprit de coopération et de solidarité, devraient… appuyer la croissance de leurs homologues dans les pays en développement».1 L’approche commune pour ces premiers projets internationaux consistait à établir des accords de «jumelage entre établissements». Ainsi, un collège canadien choisissait un établissement partenaire à l’international et l’aidait à améliorer l’accès à une éducation et une formation de qualité. Ce faisant, il l’aidait à adapter ses programmes de formation aux besoins du marché du travail de son pays. Nous avons reçu notre premier financement de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en 1978. En 1981, nos membres participaient à 14 projets différents dans des pays comme le Kenya, l’Ouganda, le Botswana, la Gambie, le Rwanda, le Sri Lanka, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago.
Entre 1985 et 1991, nos programmes internationaux ont renforcé la capacité des collèges et instituts du Canada à offrir des programmes de coopération internationale et à asseoir leur réputation dans le monde entier. Dès 1991, nos établissements membres étaient impliqués dans 65 partenariats répartis dans plus de 30 pays. Le nombre de collèges en mesure de participer efficacement à des projets de développement international est alors passé de 48 à 77 depuis 1988.2 Nos partenariats internationaux et notre lien de longue date avec l’ACDI ont grandement aidé nos membres à entreprendre des projets internationaux. Leurs succès et leur engagement permanents ont incontestablement consolidé la réputation internationale des collèges et instituts du Canada.
De telles réussites se sont perpétuées grâce à notre Programme de partenariat des collèges canadiens (PPCC), qui s’est poursuivi jusqu’en 2007. Le PPCC, qui disposait d’une subvention de fonctionnement beaucoup plus importante, fixait généralement des objectifs identiques en termes d’appui aux établissements partenaires.3 Il visait en outre également à renforcer les connaissances techniques et les compétences essentielles pour encourager la croissance des micro, petites et moyennes entreprises dans les pays partenaires. Les secteurs concernés étaient notamment l’agriculture, la santé, les ressources naturelles, les technologies de l’information et le commerce.3 À l’horizon 2007, les collèges et instituts canadiens avaient participé à 631 projets avec 734 partenaires internationaux dans 105 pays en développement.4 Les collèges internationalisant de plus en plus leurs campus et leurs programmes d’études, CICan a compris qu’il fallait faire de même dans les projets de partenariats internationaux.
L’approche Éducation pour l’emploi
En 2005, nous avons sollicité l’avis de nos partenaires internationaux. Nos programmes produisaient certes les résultats escomptés pour nos établissements partenaires. Cependant, nous nous sommes rendu compte que nos nations partenaires quant à elles ne connaissaient pas les changements systémiques essentiels au maintien à long terme des résultats engrangés par nos programmes. Cette période de réflexion a coïncidé avec des débats mondiaux plus larges, qui ont abouti à la «Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide» de 2005. Conformément au nouveau cadre, les pays bénéficiaires devraient assumer la direction de leurs propres initiatives de développement. Quant aux donateurs, ils coordonneraient leurs opérations pour appuyer les plans d’action nationaux, plutôt que de piloter le processus.5 En réponse à cette situation, et comme preuve d’engagement envers le travail important réalisé par nos membres et leurs partenaires à l’étranger, nous nous sommes attelés à l’élaboration d’un tout nouveau cadre pour la mise en œuvre de nos programmes internationaux.
En 2007, notre nouvelle approche phare «Éducation pour l’emploi» (ÉPE) a pris forme dans le cadre d’un projet financé par l’ACDI. Sous le nom d’ÉPE-Afrique, il impliquait des partenaires au Mozambique, en Tanzanie et au Sénégal. La première vague des projets ÉPE de CICan était ainsi lancée. Plutôt que de simplement se pencher sur les besoins des établissements d’enseignement en termes de programmes ou de pédagogie, notre approche ÉPE était élaborée en consultation avec des décideurs politiques et des dirigeants de l’industrie afin de déterminer les besoins économiques et en main-d’œuvre d’une nation. Il s’agissait également de répertorier les établissements les plus aptes à livrer les formations adaptées auxdits besoins. Ce sont désormais les établissements internationaux qui choisissent leurs collèges canadiens partenaires préférés, contrairement à la manière de procéder appliquée auparavant. Faisant preuve d’une foi et d’un engagement inébranlables pour appuyer leurs collègues d’outre-mer, nos membres ont facilement adopté ce nouveau modèle de collaboration dans le cadre de projets de développement international.
Outre l’ÉPE-Afrique, cette première vague de projets ÉPE comportait également des projets régionaux dans les Caraïbes et en Amérique latine. Le programme Éducation pour l’emploi de la CARICOM (C-ÉPE) de CICan a été déployé dans seize pays. Il visait à contribuer à la croissance économique en formant une main-d’œuvre caribéenne plus compétitive, plus productive et plus soucieuse de l’équité des genres. Tandis qu’en Amérique latine, notre programme Éducation pour l’emploi Andes (ÉPE Andes) a œuvré en Bolivie, en Colombie et au Pérou pour moderniser l’offre de formation professionnelle dans la région. Les trois projets ÉPE de cette première vague ont été marqués par une harmonisation au niveau régional de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels et par l’accent mis sur la mobilité de la main-d’œuvre.
La deuxième vague de projets ÉPE a marqué un éloignement de la programmation régionale pour se concentrer sur la collaboration avec des pays spécifiques et les aider à atteindre leurs objectifs de développement nationaux. CICan a continué à collaborer avec ses anciens partenaires de l’ÉPE-Afrique (Mozambique, Sénégal et Tanzanie), mais à présent par le biais d’ÉPE distincts qui ont permis à chaque pays de participer à la conception d’initiatives basées sur leurs propres objectifs. La deuxième vague des ÉPE a également vu CICan étendre sa programmation au Kenya et à la Tunisie.
La troisième vague de projets ÉPE marque la détermination de CICan à contribuer aux Objectifs de développement durable (ODD) 2030, tout fraîchement ratifiés. Conscients que les établissements d’enseignement et de formation sont d’importants vecteurs de transformation des individus et de leur vision du changement climatique, de l’équité des genres et de la durabilité, CICan et ses partenaires d’Amérique latine et de la région des Caraïbes ont conçu ensemble des projets ÉPE qui mettent l’adaptation au climat et la durabilité au cœur de leurs activités.
Dans la région des Caraïbes, le programme Compétences pour accéder à l’économie verte (CAEV) de CICan aidera le Belize, la Dominique, la Grenade, la Guyane, la Jamaïque et Sainte-Lucie à devenir plus résilients en accroissant la capacité des établissements de formation locaux à offrir des programmes de formation aux compétences tenant compte des spécificités des genres et qui répondent aux besoins économiques et environnementaux de la région.
En Amérique latine, le programme Éducation pour l’emploi dans l’Alliance du Pacifique pour le développement durable et les compétences pour l’emploi dans le secteur extractif de l’Alliance du Pacifique (AP) intervient au Chili, en Colombie, au Mexique et au Pérou. Il vise à soutenir le développement des compétences de la main-d’œuvre locale en concevant des programmes de formation dans des domaines tels que l’efficacité énergétique, la technologie des ressources environnementales, les énergies renouvelables et les sources d’énergie alternatives, ainsi que l’exploitation des sites miniers. De plus, le programme appuie la gouvernance du secteur extractif en renforçant le dialogue régional entre les représentants des secteurs privé, public et de la société civile au Canada et dans les quatre pays de l’AP.
La quatrième et toute dernière vague de projets ÉPE en date témoigne du profond engagement de CICan en faveur de l’équité des genres dans le secteur de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels. CICan a fait sienne l’annonce en 2017 de la Politique d’aide internationale féministe du Canada en concevant délibérément des projets ÉPE dont le seul objectif est un changement transformateur en termes de genre. Cette nouvelle vague de projets comprend le programme Mille femmes de CICan au Sénégal, ainsi que son programme Autonomisation par le développement des compétences en Tanzanie. Tous deux visent à promouvoir l’équité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles, réduisant ainsi la pauvreté et instaurant un monde plus inclusif, pacifique et prospère.
Depuis le lancement en 2008, 72 de nos établissements membres ont contribué à 11 projets ÉPE différents en participant à 193 partenariats institutionnels et thématiques dans 23 pays d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique latine. Au fil des ans, ces partenariats ont permis de former plus de 19 000 apprenantes et apprenants dans le cadre de 245 programmes de formation technique et professionnelle, soit actualisés, soit nouvellement créés. Tous ces programmes sont directement liés aux besoins du marché du travail de chaque pays. Nos projets ÉPE ont également permis de former des milliers de dirigeants d’établissements, d’instructeurs, d’administrateurs et de responsables communautaires. Ils sont ainsi plus à même d’offrir des possibilités de formation pratique répondant directement aux besoins des industries locales.
Appuyer les apprenantes et apprenants internationaux
En plus d’appuyer les apprenantes et apprenants à l’étranger dans leur pays d’origine, nous avons également joué un rôle essentiel dans l’appui aux apprenantes et apprenants qui viennent dans les collèges et instituts canadiens. Cela demeure une priorité pour nos membres. Étant donné la nature décentralisée du système éducatif au Canada, et que les permis d’études sont octroyés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC, anciennement CIC), nous étions les mieux placés pour intervenir au niveau fédéral.
Pas plus tard qu’en 2008, les taux d’approbation des demandes d’inscription des étudiants internationaux dans un collège ou un institut étaient considérablement inférieurs à ceux des étudiants souhaitant fréquenter l’université. De plus, les délais de traitement souffraient de retards considérables. Dans le but de venir en aide à nos membres et à CIC, nous avons joué un rôle essentiel dans la création du Programme des partenaires étudiant (PPÉ). Nous y avons établi des critères convaincants pour CIC afin d’accélérer le processus d’approbation des visas. Nous avons également collaboré avec la Banque Scotia, qui a permis aux étudiants internationaux d’ouvrir des comptes bancaires spécifiques afin de pouvoir démontrer plus facilement la bonne santé financière nécessaire à toute inscription dans un collège canadien.
Le PPÉ a démarré en tant que programme pilote en Inde en 2009. Son impact a rapidement été considérable, puisque le taux d’approbation des demandes dans les établissements participants a doublé, passant à près de 80%. Le succès est dû en grande partie à l’introduction d’un mécanisme de rapport et de diffusion d’informations entre les établissements participants et le Haut-Commissariat à New Delhi. Cette mesure a été le précurseur du portail de l’IRCC destiné aux établissements d’enseignement désigné (ÉED) pour leurs rapports de conformité, introduit en 2014. En raison de son succès instantané, le PPÉ s’est étendu à la Chine en 2010, puis au Vietnam en 2015. Le programme, désormais connu sous le nom de Volet direct pour les études, a été officiellement adopté par le gouvernement du Canada et couvre depuis lors 14 pays. Ce n’est là qu’un exemple du rôle de premier plan joué par CICan dans ce domaine. La croissance rapide du nombre d’étudiants internationaux fréquentant les collèges et instituts canadiens en est le résultat. Entre 2015 et 2019, plus de 320 000 apprenantes et apprenants internationaux se sont inscrits dans le réseau collégial.
Les femmes dans le développement international
Depuis des années, notre méthode de renforcement des capacités de l’EFTP dans les pays participants, fondée sur des partenariats, a privilégié l’intégration de la notion d’équité des genres dans tous les aspects des projets. Il s’agit notamment d’une formation des enseignants et d’une approche pédagogique intégrant la dimension de genre, l’adaptation des supports de formation pour promouvoir une participation égale des hommes et des femmes et la promotion de l’équité des genres dans les modules environnementaux et entrepreneuriaux lors des formations.
Nous avons été des précurseurs de l’intégration de la notion d’équité des genres dans l’éducation et la formation, ce qui s’est officialisé en faisant de «Femmes dans le développement» une priorité essentielle de notre programmation internationale au cours de l’exercice 1985-1986. Dans ce cadre, nous avons mis l’accent sur l’organisation d’ateliers et la participation à des formations visant à renforcer les capacités de nos membres dans ce domaine.
Un exemple audacieux de nos travaux dans le domaine du développement économique des femmes est le projet Mulheres Mil (Mille femmes) au Brésil. Dans le cadre de l’un des derniers programmes d’aide bilatérale de l’ACDI au Brésil, en 2008, nous nous sommes associés au gouvernement brésilien et à 13 instituts techniques pour offrir une formation à mille femmes défavorisées et marginalisées, historiquement exclues d’un point de vue social et économique. Dans le cadre de ce projet, une vaste campagne de marketing a été lancée au sein des collectivités afin de modifier les perceptions du rôle des femmes dans la formation et la main-d’œuvre. L’initiative a connu un tel succès que la présidente de la République fédérative du Brésil de l’époque, Dilma Vana Rousseff, en a fait un programme national, avec l’objectif élargi de toucher 100 000 femmes. Le succès retentissant de Mulheres Mil en a fait un modèle précieux. Nous jouons désormais un rôle déterminant dans la mise en œuvre d’un programme similaire au Sénégal, qui facilitera l’accès des femmes sénégalaises à la formation technique et professionnelle.
Depuis l’adoption de la Politique d’aide internationale féministe du Canada (AIFC) en 2017, notre approche d’Éducation pour l’emploi a fait l’objet d’une révision. L’accent a alors été mis sur les changements systémiques à l’échelle des établissements et des politiques nationales afin de s’attaquer plus directement aux idées préconçues concernant les femmes sur le marché du travail. En écho à l’AIFC, nous avons développé l’approche d’accompagnement AMIE (Accès —Maintien —Insertion —Entrepreneuriat) pour les femmes stagiaires afin de leur permettre de réussir leur formation.
Depuis la conception de l’approche AMIE, nous avons réussi à décrocher plusieurs nouveaux projets dans le cadre de l’AIFC. Deux d’entre eux ont été reconnus par Affaires mondiales Canada comme étant au troisième niveau d’intégration des genres, ce qui signifie que les initiatives ont été conçues spécifiquement pour s’attaquer aux iniquités entre les genres et qu’elles n’auraient sans cela jamais vu le jour.