01 octobre 2024

L’écosystème de la recherche au Canada doit être porteur d’impact

Par Pari Johnston, présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada.

Ce texte d’opinion a été publié par le Hill Times le 25 septembre 2024.

L’écosystème de la recherche et de l’innovation au Canada est prêt pour une refonte. Depuis des années, nos dépenses publiques en recherche et développement sont inférieures à celles des autres pays du Groupe des Sept (G7) et de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), et nos résultats en matière d’innovation commerciale sont sous la moyenne. Autrement dit, nous ne tirons pas pleinement parti de nos propres recherches.

La bonne nouvelle, c’est que des changements se profilent à l’horizon. Le rapport sur le système fédéral de soutien à la recherche de l’année dernière (« le rapport Bouchard ») a clairement indiqué que bon nombre d’entre nous, dans l’écosystème de la recherche au Canada, doivent bien réfléchir à ce qu’ils essaient d’accomplir. Récemment, les investissements fédéraux et les démarches pour créer un nouvel organisme-cadre de financement de la recherche fondamentale indiquent une évolution prometteuse vers une approche plus stratégique, pluridisciplinaire et interdisciplinaire qui mobilise notre écosystème de recherche et d’innovation pour relever les défis les plus pressants du pays et du monde.

Il est plus important que jamais de repenser notre stratégie si nous voulons relever les défis politiques et avoir un impact sur notre écosystème de recherche; et les collèges et instituts du Canada sont particulièrement bien placés pour le faire.

En 2021-2022, notre secteur a contribué à plus de 8000 projets de recherche appliquée qui ont débouché sur 6500 nouveaux processus, produits et prototypes dans des domaines comme la construction de logements, la fabrication de pointe, l’agriculture et la production alimentaire écoresponsables, et l’innovation sociale. Ce sont par exemple la mise au point d’un nouveau prototype susceptible d’aider une entreprise locale à réduire ses déchets, ou l’essai d’un nouveau panneau isolant pour la construction de logements modulaires. Ce sont les résultats tangibles qui rendent les entreprises canadiennes plus efficaces, compétitives et productives.

La recherche appliquée qui se fait dans les collèges et les instituts est axée sur les besoins des partenaires et sur les problèmes à résoudre. Nous nous inspirons des communautés que nous servons, ce qui nous permet d’avoir des retombées sur le terrain et d’améliorer l’adoption, l’adaptation et l’intégration des technologies.

Puisque 80 % des projets sont achevés en moins d’un an, c’est aussi de l’innovation « à la vitesse de l’entreprise ». Et surtout, dans les projets de recherche menés par des collèges, 98 % des partenaires sectoriels sont au Canada et conservent leur propriété intellectuelle.

Mais les statistiques n’illustrent que la moitié de l’histoire. L’autre moitié, ce sont les retombées, la pertinence et la portée de la recherche réalisée par les collèges et instituts qui se traduisent en avantages réels pour la population canadienne et pour la viabilité à long terme des entreprises canadiennes.

Ces retombées sont plus importantes que jamais, car il est urgent de répondre aux grands enjeux de politique publique, comme la construction de logements écologiques et abordables; la préparation aux grandes catastrophes naturelles et la prévention de ces catastrophes; la conception de villes et d’espaces respectueux de l’environnement; la transition vers des énergies propres. 

Je me réjouis que le rapport Bouchard, la création d’un nouvel organisme-cadre de financement de la recherche et les possibilités de partenariat avec Horizon Europe remettent en lumière la recherche axée sur la mission, ce qui me rend optimiste quant à notre impact potentiel.

Pourtant, le secteur des collèges et instituts ne reçoit actuellement que 2,9 % du financement fédéral de la recherche accordé par les trois organismes subventionnaires. De plus, de nombreux programmes de recherche fédéraux ne sont pas suffisamment adaptés à la réalité des collèges et instituts, que ce soit par rapport à l’admissibilité des établissements, aux restrictions associées au financement ou aux processus de sélection. Cette situation doit changer si nous voulons exploiter tout le potentiel de recherche appliquée au collégial et maximiser les retombées du financement fédéral consacré à la recherche.

Les stratèges de l’innovation demandent depuis longtemps une stratégie industrielle axée sur les défis pour le Canada; je pense que nous devons également adopter une stratégie de recherche axée sur les défis pour appuyer ce programme. Il faut donc jeter un nouveau regard sur le rôle, la valeur ajoutée, les capacités et les connexions de tous les partenaires de l’écosystème de la recherche afin de concentrer nos efforts et nos ressources sur la résolution de problèmes concrets auxquels nos communautés, nos régions et notre pays sont confrontés. C’est précisément ce que les collèges et les instituts font le mieux.

L’avenir de l’écosystème de la recherche au Canada doit également aider les groupes historiquement exclus à mener des recherches orientées vers les retombées. Tirant parti de l’expertise des collèges et des instituts en recherche appliquée, de leurs réseaux de partenaires dans tous les secteurs et de leurs installations de pointe, la recherche axée sur les défis peut et doit devenir l’un des moteurs les plus puissants de l’innovation au Canada. Il faut, pour ce faire, tenir une réflexion ciblée sur la question du financement.

Grâce à notre approche axée sur la demande, notre éthique de collaboration et notre expertise en transfert des connaissances et en adoption des technologies par les partenaires industriels locaux, nous pouvons renforcer l’impact en aval d’un programme de recherche axé sur les défis dans des domaines comme le logement, la diversification économique dans les secteurs traditionnels et la fabrication innovante. 

L’écosystème de la recherche au Canada doit être repensé et redéfini de manière à produire des retombées pour la population et les entreprises canadiennes. Le chemin pour y parvenir passe par les collèges et les instituts.