Par Pari Johnston, présidente-directrice générale, Collèges et instituts Canada.
Remettons les pendules à l’heure. Les rapports indiquent certes que le Canada approuve les permis d’études pour les étudiants internationaux plus rapidement que l’année dernière. Or, le plafonnement des demandes de permis d’études pour les étudiants internationaux produit l’effet escompté, à savoir une baisse du nombre de permis d’études approuvés.
Les titulaires de permis d’études sont-ils plus nombreux à entrer au Canada depuis le début de l’année? Certes oui. En revanche, les étudiants internationaux arrivés au Canada entre janvier et mai avaient très certainement demandé et obtenu leur permis d’études avant le 22 janvier, date d’entrée en vigueur du plafonnement.
En fait, les données publiées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) montrent que les demandes présentées par les étudiants internationaux sont en baisse de 36% d’une année sur l’autre. En ce qui concerne plus particulièrement les membres de CICan (le réseau canadien des collèges, instituts, cégeps et écoles polytechniques publics), le nombre de demandes a chuté de 54%.
Ne nous leurrons pas, cette politique a les effets recherchés. À savoir, réduire le nombre de demandes de permis pour les étudiants internationaux et, par extension, le nombre de permis approuvés.
Nous avons consulté les membres de CICan pour mieux comprendre la réalité des faits sur le terrain. Qu’avons-nous pu entendre? Que les établissements se préparent à des conséquences importantes et inattendues.
Incontestablement, il est inutile de prendre davantage de mesures aussi radicales.
Bien au contraire, le plafonnement risque déjà d’aggraver une tendance à long terme marquée par la réduction des dépenses provinciales, le gel des droits de scolarité et l’augmentation des coûts pour les établissements postsecondaires.
D’ores et déjà, certains établissements procèdent à des réductions dans les embauches et dans le personnel enseignant. D’ores et déjà, les établissements limitent les admissions dans certains programmes, tandis que d’autres suppriment des programmes entiers, y compris dans des domaines essentiels comme l’éducation de la petite enfance, les soins continus et les technologies de l’environnement. D’ores et déjà, les établissements mettent un frein à certaines activités de recherche commerciale et à certains programmes de sensibilisation à destination des étudiants.
Si nous n’y prenons garde, nous pourrions porter un préjudice irréparable à notre réseau d’enseignement postsecondaire public.
Les collèges et instituts forment une main-d’œuvre qui est essentielle pour relever certains défis nationaux et mondiaux. Parmi ceux-ci, la construction de logements durables et abordables, la prestation de soins de santé de haute qualité et la transition vers les énergies vertes. Le manque chronique d’investissements a contraint ces établissements publics à dépendre davantage des frais d’inscription des étudiants internationaux pour assurer leur fonctionnement.
La diminution du nombre d’étudiants internationaux ne se contente pas de limiter l’accès des étudiantes et étudiants canadiens aux formations qui sont essentielles à la croissance de secteurs clés de notre économie, et en particulier dans les collectivités rurales, éloignées, nordiques et autochtones. Elle menace également la vitalité de notre secteur dans son ensemble.
Il nous faut des solutions intelligentes, réfléchies et prévisibles.
Le ministre et les établissements d’enseignement supérieur veulent la même chose : une amélioration du Programme des étudiants étrangers pour qu’il fonctionne avec efficacité et intégrité. Plus que jamais, nous avons maintenant besoin de solutions mesurées et prévisibles qui traitent des enjeux fondamentaux, dont le manque de financement, l’aide aux étudiants internationaux et la planification stratégique à long terme. Il s’agit de ne pas se précipiter pour mettre en œuvre des politiques qui pourraient, par inadvertance, avoir des conséquences plus importantes que celles prévues.
Le Canada doit prendre le temps de réfléchir à la manière dont ces brusques changements de politique pourraient compromettre la viabilité d’un secteur vital pour le bien public. La voie à suivre est celle d’une politique réfléchie qui reconnaisse la corrélation entre les étudiants internationaux et les collèges et instituts au sein du contexte économique et social global du Canada.
Rien qu’en 2022, la contribution des étudiants internationaux à l’économie canadienne s’est élevée à 30,9 milliards de dollars et a bénéficié à 360 000 emplois.
Ce volet, porteur de notre économie, est en train de ralentir. Nous n’en voyons pas encore les répercussions, mais elles sont imminentes.