Retour sur le Colloque national sur l’éducation autochtone de 2024
« Ne vous contentez pas d’en parler. Agissez. » Ces mots percutants ont été prononcés par un étudiant autochtone lors du Colloque national sur l’éducation autochtone de cette année. Ils illustrent parfaitement l’esprit de ce rassemblement qui aura duré deux jours et demi.
Du 27 au 29 octobre en territoire mi’kmaq à Halifax (Nouvelle-Écosse), quelque 330 chefs de file, éducateurs et représentants autochtones se sont réunis à l’occasion du Colloque national sur l’éducation autochtone. Les participantes et participants se sont penchés sur la question de l’intégration des perspectives autochtones dans les solutions visant à relever les défis les plus pressants du Canada.
On ne saurait trop insister sur l’énergie dégagée par l’événement. Les participantes et participants ont fait preuve d’enthousiasme en analysant, en discutant et en explorant des approches pragmatiques centrées sur les Autochtones. Le but étant de susciter un réel changement, notamment en comblant les lacunes en matière de compétences, en s’engageant de manière significative auprès des apprenantes et apprenants et des collectivités autochtones, tout en exploitant les connaissances autochtones pour stimuler l’innovation.
Comme l’a fait remarquer Tabatha Bull, présidente-directrice générale du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, « l’éducation est un puissant outil favorisant l’autonomisation et l’autodétermination. Elle procure non seulement des connaissances, mais aussi des liens qui peuvent contribuer à la revitalisation de nos collectivités. »
Nous avons été informés à la source de l’importance des liens avec la terre, des relations communautaires, de la revitalisation des langues et de l’intégration des perspectives autochtones dans le processus décisionnel des établissements au sein du réseau canadien des collèges et instituts publics. La trentaine de programmes, projets et partenariats mis en avant lors du Colloque ont tous témoigné du rôle essentiel joué par les peuples et collectivités autochtones en tant que partenaires. Que cela soit dans le domaine de l’éducation ou dans celui de la recherche de solutions, mais aussi comme acteurs du changement et moteurs de l’économie du Canada.
Par exemple, le Collaborative Online Indigenous Intercultural Learning Pathway du North Island College réimagine l’apprentissage en ligne dans une optique autochtone. Il met l’accent sur les liens avec la terre et la collectivité, ainsi que sur les cinq piliers de l’éducation autochtone (respect, pertinence, réciprocité, responsabilité et relations).
En Saskatchewan, le projet pawâcikêwikamik: The Innovation Collective se fait en partenariat avec le Saskatchewan Indian Institute of Technology. Il permet aux entrepreneurs autochtones de bénéficier d’un mentorat, d’un espace « MakerLodge » et de microsubventions non remboursables pour concrétiser leurs idées, créant ainsi de nouvelles pistes de croissance pour les collectivités.
La santé mentale étudiante a également fait l’objet d’une attention particulière. Nous avons appris comment la première Norme nationale du Canada sur la santé mentale et le bien-être des étudiants du postsecondaire aide des établissements comme l’Assiniboine College et le George Brown College à avoir un impact durable. Cela est tout particulièrement vrai pour les étudiantes et étudiants autochtones, ces établissements s’efforçant en effet de répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation.
Au Mohawk College, le Centre for Indigenous Relations, Knowledge, & Learning et les Services aux étudiant(e)s autochtones ont démontré le pouvoir de la collaboration relationnelle et du leadership autochtone. Leur guide Tetewatatyenawa:se Approach to Indigenous Engagement donne aux différents services du collège les moyens de dialoguer de manière constructive avec les peuples, les collectivités et les organisations autochtones, en intégrant les modes de connaissances et d’action autochtones dans les politiques, les procédures et les pratiques éducatives. La Red Deer Polytechnic a renforcé cette vision en illustrant la manière dont son Reconcili-Action Plan, qui intègre les perspectives autochtones dans la planification stratégique, peut stimuler les partenariats susceptibles d’améliorer la situation de toutes et tous les étudiants.
Le Centre Nidetin du Collège Ahuntsic (« J’écoute » en anishnaabemowin) stimule les efforts de décolonisation par la revitalisation de la langue innue, la formation en soins de santé culturellement sécuritaires, les pratiques en sciences humaines axées sur la terre et l’autochtonisation des cours de philosophie. Le Centre soutient également la préservation des connaissances des Anciennes et Anciens en plus de décoloniser les pratiques de stage au Nunavik en établissant un lien entre les établissements non autochtones et les perspectives autochtones.
Des progrès immenses ont certes été accomplis. Il reste néanmoins évident que les peuples autochtones sont confrontés à des défis complexes pour assurer leur autodétermination, une représentation équitable et un accès égalitaire à l’éducation. S’il est bien un message qui a été transmis haut et fort à la communauté collégiale, c’est celui-ci : la réconciliation n’est pas seulement une question d’équité, de diversité et d’inclusion, elle est indissociable de notre identité canadienne. Il en faut plus que des mots, cela exige une action stratégique distincte, sincère et adaptée aux besoins uniques des communautés autochtones.
Renouveler le Protocole sur l’éducation des Autochtones
Pour CICan, le Colloque a été une occasion cruciale de faire progresser les initiatives de notre Feuille de route pour 2026 dans des domaines à fort impact, dont notre engagement renouvelé en faveur de la réconciliACTION. Nous nous sommes penchés sur notre vision commune pour promouvoir et préserver la culture, les connaissances et l’histoire autochtones dans le cadre de l’enseignement postsecondaire. Des discussions importantes ont notamment été entamées en vue de réviser et de mettre à jour le Protocole sur l’éducation des Autochtones de CICan, qui célèbre cette année son dixième anniversaire. Ce sont 73 membres de CICan qui ont signé le Protocole, et beaucoup de choses ont changé dans le contexte canadien et postsecondaire depuis son lancement il y a 10 ans.
Qu’avons-nous pu entendre ?
Tandis que les principes du protocole sont solides et pertinents, il reste des défis à relever pour les rendre opérationnels au sein des établissements. Un appel clair a été lancé en faveur d’une collaboration plus efficace avec les établissements postsecondaires autochtones plus modestes, dans le respect de leur souveraineté culturelle et des principes de PCAP® (propriété, contrôle, accès et possession) des Premières Nations. Mais ce qui est peut-être le plus important, c’est que le Protocole doit être considéré comme une responsabilité partagée par tous les services. Ses principes doivent être reconnus comme un impératif stratégique, pleinement intégré dans les établissements membres de CICan afin de susciter un changement authentique et durable.
Regarder vers l’avenir
Dans les mois à venir, CICan travaillera en étroite collaboration avec ses membres, son Comité consultatif national autochtone et ses partenaires autochtones afin de mettre à jour le Protocole et de mobiliser un plus grand nombre de membres. Nous veillerons à ce qu’il promeuve la réconciliation à tous les niveaux de l’établissement et à ce qu’il aborde les défis et les lacunes persistants. Nous demeurons résolus à affirmer que la réconciliation dans le secteur postsecondaire du Canada se doit d’être un engagement concret et vivant, considéré comme un outil puissant pour relever les défis du Canada en plaçant les perspectives autochtones au premier plan.