Dans le Nord du Québec, juste à l’intérieur des terres de la baie James, habite la Nation crie de Chisasibi. Il s’agit d’un nouveau lieu de vie pour un peuple ancien.
L’histoire qui a conduit une nation nomade vers ce petit village a entraîné des perturbations dans tous les aspects de la vie, de la culture et des connaissances. Aujourd’hui, la nation Chisasibi travaille avec des chercheurs, dirigés par le Cégep de Victoriaville, pour instaurer de nouvelles approches à la sécurité alimentaire découlant des connaissances traditionnelles. Ce projet est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines à partir de son Fonds d’innovation sociale destiné aux communautés et aux collèges.
Il y a environ 4 000 Cris à Chisasibi. Pour eux, comme pour d’autres communautés du Nord, l’insécurité alimentaire est un enjeu majeur. De plus, l’Institut de la santé publique du Québec rapporte que 80 % des Cris souffrent d’obésité ou de surpoids, mettant ainsi en évidence un autre problème grave concernant l’approvisionnement alimentaire de Chisasibi.
Richard Lair, enseignant au Cégep de Victoriaville et chercheur au Centre d’innovation sociale en agriculture, est le directeur du projet. Il a déclaré dans une entrevue que les problèmes alimentaires de Chisasibi doivent être considérés en tenant compte des éléments qui les ont provoqués : la colonisation, la réduction des subventions pour la nourriture, la perte de la culture autochtone et les pensionnats, qui ont provoqué une disparition progressive des traditions alimentaires.
Parallèlement, la chasse et la pêche coûtent plus cher et sont plus difficiles à pratiquer en raison de l’exploitation forestière et du développement hydroélectrique, selon M. Lair.
« Au fil des ans, plusieurs facteurs ont entraîné une diminution de la part de l’apport alimentaire total provenant de sources traditionnelles chez la population crie », explique-t-il. « Les aliments traditionnels ont été remplacés par plus d’aliments prêts-à-manger et surgelés, contenant plus de matières grasses, de sel et de sucre. Les Cris ignoraient que cette nourriture n’était pas saine. » Cela s’est traduit par l’adoption d’habitudes alimentaires malsaines et par des conséquences négatives généralisées sur la santé.
Il est possible de trouver des solutions aux problèmes d’approvisionnement alimentaire, affirme M. Lair, à condition d’adopter la bonne approche pour les faire connaître. L’approche doit être holistique, comporter de multiples facettes, tenir compte de l’histoire, de la culture et des facteurs politiques qui ont façonné la réalité de Chisasibi.
Il est tout aussi important que les chercheurs comprennent qu’il ne s’agit pas de rendre à la communauté les connaissances perdues sur la nourriture traditionnelle. Leur travail consiste plutôt à aider la communauté à trouver ses propres réponses. Le projet sera réalisé sous la forme d’une « recherche-action participative », une approche de collaboration qui reconnaît les membres de la communauté en tant que cochercheurs et qui s’inspire de l’expérience locale et de l’histoire sociale afin d’orienter ses travaux et ses conclusions.
La première phase du projet consiste à comprendre la situation actuelle, y compris le rôle de l’approvisionnement en aliments traditionnels, en rendant compte des traditions alimentaires cries qui existent encore dans la communauté. La seconde phase vise à aider les Cris à capter et préserver leurs savoirs traditionnels alimentaires à l’intérieur d’une base de données. Enfin, dans la troisième phase, cette connaissance servira à identifier des projets visant à résoudre les problèmes alimentaires et à créer des projets pilotes pour les tester.
Finalement, les chercheurs espèrent partager les connaissances issues de ce projet avec l’ensemble des dix communautés de la nation crie du Nord du Québec et créer un site web comprenant un accès facile à l’information sur les sources alimentaires traditionnelles, les pratiques alimentaires saines et plus encore.